• The Husky and His White Cat Shizun - Chapitre 2

     

     

     

    Mo Ran

     

     

     

    Chapitre 2 : La vie du Vénérable

     

     

    >> avertissement : Mo Ran, à 15 ans, baise une prostituée

    Traduit par Alcancia et Lucie ; Correction par Elodie

     

    "Mon cœur s'était déjà calmé et mes pensées transformées en cendr

    es. Pourtant de façon inattendue la lumière du printemps brillait à travers la nuit froide. Se pourrait-il que les cieux prennent en pitié le brin d'herbe de la vallée isolée ? Pourtant j'ai peur que ce monde soit imprévisible et rempli d'épreuves."

     

    La voix claire d'une femme résonna près de son oreille, récitant des vers poétiques qui roulaient telles des perles de jade. Seulement, ils ne faisaient que donner la migraine à Mo Ran, la veine de son front battant furieusement.

     

    - C'est quoi tout ce bruit ! D'où vient cette dame blanche gémissante ? Serviteurs, prenez cette chienne et jetez-la de la montagne !

     

    C'est seulement après avoir beuglé que Mo Ran réalisa dans un sursaut que quelque chose n'allait pas... Il n'était pas mort ?

     

    La haine, tout autant que la froideur, la douleur ou encore la solitude le poignardèrent soudain à la poitrine. Les yeux de Mo Ran s'ouvrirent alors. Tout ce qu'il s'était passé juste avant sa mort se dispersa comme neige au soleil. 
    Il était allongé sur un lit; pas celui du Pic Sisheng, mais bien un lit sculpté d'un dragon et d'un phénix, la poussière imprégnant le bois. La couche était surmontée d'une vieille couette rose et violette, brodée de motifs de canards mandarins. C'était le genre de lit que l'on pouvait trouver uniquement dans une maison close. 

     

    Il se figea. Il savait exactement l'endroit où il se trouvait, ce n'était rien d'autre que le quartier de divertissement se situant près du Pic Sisheng. Ce soit disant lieu n'était autre qu'un bordel, où l'on pouvait entrer comme dans un moulin.

     

    Mo Ran avait eu une période de débauche dans sa jeunesse. Pendant deux semaines, il avait passé la plupart de son temps dans cet établissement. Pourtant, ce dernier avait été vendu et reconverti en cave à vin lorsqu'il avait une vingtaine d'années. Comment, de tous les lieux possibles, était-il arrivé ici après sa mort ?
    Avait-il tellement pêché dans sa vie, fait du tort à tant de personnes, que le roi des enfers le punissait en le réincarnant dans une maison close, condamné à prendre des clients ?

     

    Alors que son imagination s'emballait, Mo Ran se retourna. Avec surprise, il découvrit qu'il reposait à côté d'une personne endormie. 

     

    C'était quoi ce bordel !!! Pourquoi une personne était à côté de lui ??
    Un homme et, qui plus est, totalement nu ! D'apparence charmante et agréable, il possédait une silhouette assez androgyne.

     

    Alors que Mo Ran semblait inexpressif, son cœur quant à lui subissait mille tourments. En fixant le minois de ce beau garçon, il se souvint soudainement.
    Ne serait-ce pas le gigolo qu'il adorait lorsqu'il était jeune ? Comment s'appelait-il déjà ... Rong San ? Ou bien Rong Jiu ? Que ce soit San ou Jiu, ça n'avait pourtant aucune importance. Ce qui comptait, c'était que ce prostitué avait attrapé une IST et était mort plusieurs années auparavant. Depuis ce temps, même ses os auraient dû pourrir. Malgré tout, il était là, délicatement recroquevillé sur le côté, la nuque et les épaules parsemées de marques bleues et violettes et de morsures d'amour.

     

    Mo Ran grimaça, souleva la couette et jeta un coup d'oeil en bas. 
    Ce Rong quelque chose, de Jiu ou de San, sera plus facile à appeler Rong Jiu par la suite. Couvert de brûlures dues aux frottements, le joli petit corps de Rong Jiu ainsi que ses cuisses pâles et tendres étaient toujours étroitement liés à l'aide d'une corde rouge. 

     

    Mo Ran se caressa le menton : comme c'est intéressant, se dit-il. 
    Cet art de la corde raffinée, cette technique sophistiquée, cette scène si familière, ne l'avait-il pas déjà fait lui-même ??!!

    En tant que cultivateur, il avait étudié le concept de réincarnation. Il commença à soupçonner qu'il était certainement remonté dans le temps.

     

    Afin de confirmer ses soupçons, Mo Ran attrapa un miroir en cuivre. Plutôt usé, il était malgré tout suffisamment en bon état pour refléter vaguement son apparence. Lors de sa mort, Mo Ran avait trente-deux ans, néanmoins le reflet qui lui était renvoyé était au contraire un visage assez jeune; charmant, il dégageait une arrogance juvénile, ne semblant pas être plus vieux qu'une personne de quinze ou seize ans. 

     

    Il n'y avait personne d'autre dans la pièce. Ainsi, l'ancien souverain cruel du monde de la cultivation, le Tyran maléfique de Bashu, l'Empereur du Royaume mortel, le Seigneur du Pic Sisheng, Taxian-Jun, ou encore Mo Ran lui-même exprima ses pensées honnêtement, après mûre réflexion. 

     

    Rong Jiu, jusqu'alors endormi après une séance de sexe, revint à lui.
    Le beau garçon s'assit langoureusement, faisant glisser la fine couette, révélant ainsi sa peau claire. Il ramassa ses long cheveux soyeux et leva ses yeux semblables à des fleurs de pêcher mouchetées d'encre rouge.

     

    - Oh... Mo-gongzi, tu es réveillé tôt aujourd'hui, bailla-t-il.

     

    Mo Ran ne lui répondit pas. A l'époque, il aimait peut-être ce qui était délicat et androgyne, comme Rong Jiu. Mais désormais, lui Taxian-Jun, à trente-deux ans, ne comprenait pas en quoi ce genre d'hommes pouvait être attirant.

     

    - Tu as mal dormi cette nuit ? Tu as fait un cauchemar ?

     

    Ce Vénérable était mort, que dites vous de ce cauchemar. 

     

    Face à son silence sans fin, Rong Jiu pensa donc qu'il était de mauvaise humeur. Il glissa hors du lit et partit rejoindre Mo Ran, dos à lui devant la fenêtre sculptée, et l'enlaça alors dans ses bras.

     

    - Mo-gongzi, ne m'ignore pas. Pourquoi tu es si pensif ?

     

    A cette étreinte, Mo Ran devint soudainement pâle. Tout ce qu'il désirait était de détacher ce dévergondé de lui et de frapper son visage fragile à l'aide de dix-sept ou dix-huit bonnes claques. Mais, finalement, il réussit à maîtriser cette envie. 

     

    Il se sentait toujours un peu désorienté et hésitant face à cette situation. 
    Après tout, s'il s'était bel et bien réincarné, il ne pouvait pas tout à coup se battre avec Rong Jiu, alors qu'il avait passé la veille à jouer les amoureux transis avec lui. On pourrait penser qu'il avait perdu la raison, et ce n'était pas envisageable.

     

    Mo Ran, prétendant qu'il ne s'était rien passé, changea son expression, et demanda :

     

    - Quel jour sommes-nous ?

     

    - Le 4 mai, sourit Rong Jiu après l'avoir fixé un moment.

     

    - De l'an Trente-trois?

     

    - Ça, c'était l'année dernière, cette année c'est l'an trente-quatre. On dit que les grands hommes ont tendance à être tête en l'air.

     

    L'an trente-quatre...Les méninges de Mo Ran tournèrent à plein régime. Cette année là, il venait d'avoir seize ans et venait tout juste d'être reconnu comme le neveu du chef du Pic Sisheng, depuis longtemps disparu. C'est ainsi qu'il passa en l'espace d'une nuit d'un chien pathétique et malmené à un phénix perché sur sa branche.

     

    S'était-il vraiment réincarné ou bien était-ce un rêve, dans la mort, dénué de sens...

     

    - Mo-gongzi est si affamé qu'il ne se rappelle même plus en quelle année nous sommes, sourit à nouveau Rong Jiu. Attends ici un instant, je vais chercher à manger. Que dirais-tu de pancakes frits ?

     

    Vu qu'il venait de se réincarner, il ne savait pas encore comment gérer cette situation. Mais s'il agissait comme auparavant, tout se passerait bien. Il repensa donc à son style charismatique de l'époque et, tout en refoulant son dégoût, pinça joyeusement la cuisse de Rong Jiu.

     

    - Ça à l'air délicieux ! Je veux aussi de la soupe de riz, et que tu me nourrisses.

     

    Rong Jiu enfila quelques vêtements puis sortit. Il revint vite avec un plateau contenant un bol de soupe de riz à la citrouille, deux pâtisseries Youxuan1, accompagnés de poisson. 

     

    Mo Ran, qui avait un peu faim, allait attraper une pâtisserie quand Rong Jiu balaya sa main :

     

    - Permets-moi de servir Gongzi.

     

    Rong Jiu prit un pancake et alla s'asseoir sur les genoux de Mo Ran. Vêtu d'une fine robe de chambre simple, les jambes grandes ouvertes, il effleura Mo Ran, allant même jusqu'à se frotter contre lui de temps à temps sans subtilité.

     

    Alors que Mo Ran fixait son visage, Rong Jiu pensa qu'il était de nouveau excité :

     

    - Pourquoi tu me regardes ? La nourriture va refroidir.

     

    Mo Ran resta silencieux un moment. Au souvenir de la "bonne action" que Rong Jiu avait fait dans son dos lors de sa vie précédente, les commissures de ses lèvres se courbèrent en un doux sourire.

     

    Lui, le grand Taxian-Jun, n'était pas étranger aux actes répugnants. Du moment qu'il en avait envie, il n'y avait rien de trop dégoûtant à ses yeux. Ce qu'il se passait en ce moment n'était simplement qu'un spectacle; un simple jeu d'enfants.

     

    Il s'appuya avec désinvolture contre la chaise.

     

    - Assis, sourit-il.

     

    - Je... suis déjà assis.

     

    - Tu sais bien où je te dis de t'asseoir.

     

    - Pourquoi se précipiter, et si Gongzi finissait d'abord de man-... ah !

     

    Avant de pouvoir finir sa phrase, Mo Ran l'attira à lui et le fit se baisser. La main de Rong Jiu trembla et cogna le bol de congee, qui se renversa. Entre deux halètements, il réussit à dire :

     

    - Mo Gongzi, le bol...

     

    - Peu importe.

     

    - M-mais tu devrais quand même d'abord manger.

     

    - Ne suis-je pas déjà en train de manger ?

     

    Mo Ran s'accrocha à sa taille et contempla, de ses pupilles d'un noir intense, la nuque de Rong Jiu dévoilée à ses yeux et son joli visage. 

     

    Durant sa vie précédente, il aimait embrasser ces lèvres rouges captivantes durant leurs moments intimes. Après tout, Rong Jiu était beau et savait toujours utiliser les bons mots. Mo Ran mentirait s'il disait qu'il n'avait jamais rien ressenti pour lui. 
    Mais aujourd'hui alors qu'il savait ce que ces lèvres avaient faites dans son dos, il les trouvaient désormais abominables, et il n'avait aucunement l'intention de les embrasser. 

     

    L'homme qu'il était maintenant, était bien différent du garçon de seize ans qu'il fut, par bien des égards. Par exemple, son jeune lui connaissait encore la douceur en amour et dans l'intimité, alors qu'à trente-deux ans, tout ce qui lui restait était la violence. 

     

    Par la suite, en regardant Rong Jiu qui s'était évanoui après avoir été baisé jusqu'à se retrouver aux portes de la mort, ses yeux tourmentés se courbèrent légèrement, possédant même un soupçon de doux sourire. Il était très beau lorsqu'il souriait, les yeux d'un noir profond et riche, parsemés d'un arrogant reflet violet sous certains angles. A présent, il traîna Rong Jiu sur le lit par ses cheveux, et ramassa calmement un éclat du bol cassé au sol et l'amena près du visage de Rong Jiu. 

     

    Il avait toujours vengé tous ses griefs; aujourd'hui ne ferait pas exception.

     

    Au souvenir de tout ce qu'il avait fait pour Rong Jiu et son entreprise dans sa vie antérieure, qu'il avait même souhaité acheter sa liberté, et de comment Rong Jiu le lui avait rendu en complotant avec d'autres derrière son dos, ses yeux ne pouvaient s'empêcher de se recourber en un sourire lorsqu'il pressait l'éclat contre la joue de ce dernier.

     

    Son corps était son outil de travail; sans son visage, il n'aurait plus rien.
    Il serait forcé d'errer dans les rues comme un chien, de ramper sur le sol, de recevoir des coups, et de souffrir de toute forme de rejet et d'abus... À cette seule pensée, il était si heureux que même le dégoût qu'il pouvait ressentir après avoir baisé cette personne disparu en fumée instantanément. Le sourire de Mo Ran devint encore plus ravissant. D'une simple pression un filet de sang, d'un rouge captivant, s'écoula. 

     

    Semblant avoir ressenti la douleur, la personne inconsciente gémit doucement d'une voix rauque, d'un air pitoyable, avec des larmes encore accrochées à ses cils.

     

    Soudain, la main de Mo Ran s'arrêta, au souvenir d'un ami très cher.

     

    - ...

     

    Puis, alors qu'il réalisa subitement ce qu'il était en train de faire, il fut quelques secondes étourdit avant d'enfin baisser la main doucement.

     

    A cet instant il avait oublié qu'il était revenu à la vie. Il avait tellement fait de mal que c'était devenu une habitude. Pourtant, à l'heure actuelle, rien ne s'était encore passé, les erreurs impardonnables n'avaient pas encore été commises, et cette personne... était toujours en vie. Il n'y avait donc aucune raison de suivre le même chemin cruel; il pouvait tout recommencer.

     

    Il s'assit et posa le pied sur le lit, jouant inconsciemment avec le morceau de porcelaine brisée dans sa main. Il remarqua soudain le pancake huileux qui était toujours posé sur la table, l'attrapa, retira le papier ciré, et en arracha un bout avec ses dents, faisant voler des miettes partout, jusqu'à ce que ses lèvres soient devenues luisante de graisse. 

     

    Le pancake était la spécialité de ce bordel. Il n'avait pourtant rien de spécial, surtout comparé aux délices qu'il avait essayé par la suite, mais depuis que cet endroit avait fait faillite, Mo Ran n'avait jamais pu en remanger. Aujourd'hui, le goût familier, à travers les événements turbulents du passé, parvint une nouvelle fois sur le bout de sa langue. A chaque bouchée, le sentiment irréel d'être revenu à la vie s'atténuait.

     

    Le temps qu'il finisse le pancake, il s'était enfin réveillé de la stupeur dans laquelle il était plongé depuis le début.
    Il était vraiment revenu à la vie. 

     

    Tout ce qu'il avait pu détester dans sa vie, tout ce qu'il n'avait pu reprendre, rien n'était encore arrivé. Il n'avait pas encore tué son oncle et sa tante, pas encore rasé soixante-douze villes, pas encore trahi ses professeurs et ses ancêtres, pas encore été marié, pas encore... 
    Personne n'était encore mort.  

     

    Alors qu'il savoura le goût dans sa bouche, léchant ses dents, il sentit une pointe de joie affluer dans sa poitrine et se transformer en une excitation fébrile. Il avait blâmé le Ciel et la Terre durant sa vie précédente, puis avait étudié les trois techniques interdites du royaume humain. Il en avait maîtrisé deux; mais seule la dernière, "Renaissance", lui avait échappé malgré son talent. 

     

    De manière inattendue, ce qu'il avait échoué à obtenir toute sa vie lui tombait maintenant sans effort dans les bras à sa mort.

     

    Tout le dégoût, la répugnance, la désolation, la solitude, et tous les sentiments complexes de sa vie passée étaient maintenant scellés dans sa poitrine. La vue de l'armée marchant sur le Pic Sisheng, un feu visible sur dix milles brasses2, lui restait encore en mémoire. En ce temps, il avait perdu l'envie de vivre. Tout le monde disait alors que sa seule existence suffisait à maudire chaque personne proche de lui, qu'il était uniquement destiné à mourir seul. Ils lui avaient tous tourné le dos. Alors que sa fin approchait, même lui se sentait comme un mort-vivant, insensé et solitaire.

     

    Il ne savait pas à quel moment tout avait mal tourné, ni comment, une personne irrémédiablement méchante comme lui, avait la possibilité de tout recommencer après s'être suicidée.

     

    Alors pourquoi détruire le visage de Rong Jiu pour une rancune aussi misérable et lointaine ?

     

    Puisque Rong Jiu aimait l'argent, il ne le paierait pas cette fois, et pour lui donner une leçon, il lui en prendrait même un peu. Quant à sa vie, il ne voulait pas de ce fardeau pour le moment.

     

    - Je te laisse partir facilement, Rong Jiu, dit Mo Ran avec le sourire en jetant le bout de porcelaine par la fenêtre.

     

    Puis, il vida ensuite les bijoux et objets de valeur de Rong Jiu et les mit dans sa poche. Il prit ensuite tout son temps pour s'habiller et s'arranger avant de quitter tranquillement les lieux. 

     

    Mon oncle, ma tante, cousin Xue Meng, Shizun et... 
    A la pensée de cette personne, les yeux de Mo Ran s'adoucirent.
    Shige, j'arrive !

     

     

     

    Note de bas de page : 

    1-  Le Youxuan est une pâtisserie traditionnelle chinoise, plus précisément de Jinan. Son nom vient de sa forme en spirale et de sa surface dorée.

    2-  La brasse est une ancienne mesure correspondant à l'envergure des bras. Une brasse vaut 1,8288 mètre.

     

     

     

     

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